Publié le 7 décembre 2020, mis à jour le 11 décembre 2023.
Le numérique est partout et voici donc tout l’enjeu de notre prochaine décennie. La question est la suivante: comment tendre vers la « sobriété numérique » entre l’émergence de l’edge computing avec l’avènement de la 5G, l’explosion du Cloud et les transformations digitales des entreprises ?
Qu’est-ce que la sobriété numérique ?
Suite à l'émergence fulgurante du monde digital, le numérique est partout, et depuis peu, nous cherchons à contrôler son impact.
Le terme sobriété numérique est apparu récemment afin de prévenir la consommation effective de tous les objets physiques et non physiques technologiques qui nous entourent : un ordinateur, un portable, une imprimante, un cloud, une application, une carte bleue, un site internet, une commande Frichti ou encore faire un prêt à la BPI.
La sobriété numérique représente une conception de service numérique neutre et un ensemble de bonnes pratiques pour réduire la consommation d’énergie et ainsi, réduire son impact sur l’environnement.
Ce terme provient de l'association GreenIT.fr qui l’emploi pour la première fois en 2008 puis repris en 2018 par l'association Shift Project dans un rapport à fort écho médiatique sur le streaming vidéo et enfin repris chaque année depuis, dans son rapport annuel.
Ce rapport édicte quelques principes afin d'institutionnaliser ces termes de "sobriété numérique" :
- Prise de conscience de l’impact environnemental du numérique.
- Mise en place de la sobriété comme principe directeur de la transformation numérique.
- Considération des critères environnementaux lors d’appels d’offres.
Comment la sobriété numérique change les habitudes de chacun/ comment le mettre en place ?
Un an après le rapport du Shift project sur le streaming, en 2019, l'association du GreenIT.fr vient constater à son tour l’impact du numérique sur le monde.
Ce même rapport Empreinte environnementale du numérique mondial propose de mettre en place de nouvelles règles concrètes à travers 2 principes : principe de réduction et de substitution ainsi que le principe de longévité, afin d’alléger le poids de notre développement numérique :
- Principe de réduction et de substitution :
- Réduction du nombre d’objets connectés
- Réduction des écrans par un nouveau système d’affichage
- Réduction des besoins
- Ecoconception des équipements
- Principe de longévité : Augmentation de la durée de vie des équipements par :
- La réparation des équipements
- Une meilleure conception : éviter l’obsolescence programmée par exemple.
Quels sont les avantages de la sobriété numérique ?
Lorsque l’on parle de la sobriété numérique, cela fait généralement écho à son impact environnemental. Bien qu’il soit réel qu’il représente un avantage certain, la sobriété numérique entend également un avantage social par l’inclusion de 4 millions de Français. Ainsi, cette sobriété numérique vient bénéficier à ces Français à plusieurs niveaux :
- Le Coût : L’équipement numérique connaît aujourd'hui un coût important. La sobriété numérique prône une puissance plus faible (RAM, CPU, Bande passante etc.), des appareils plus simples (low tech) mais tout aussi performants. Ainsi, ces équipements nécessiteraient un investissement moins conséquent.
- La simplicité et l’accessibilité : Les équipements sont très complexes, et peu sont les Apple Addict capables d’utiliser toutes les fonctionnalités de leur marque préférée. Ici, la sobriété numérique prône un équipement plus simple ou utile au plus grand nombre. Un équipement numérique correspondant à ses besoins avec une puissance adaptée. Vous en conviendrez que tout le monde peut conduire une Formule 1, mais son intérêt apparaît réduit voir négatif lorsqu’il s’agit de faire ses courses avec, ou procéder à un déménagement.
- La longévité : Le progrès technologique apparaît souvent comme positif. Sans rentrer dans un débat philosophique qui questionnerait l’être humain “Le progrès est-il toujours positif?”, il semble important de rappeler que ce progrès-ci demande aux utilisateurs la dernière mise à jour, le dernier appareil, sous peine de ne pouvoir utiliser les services.
La sobriété numérique propose dans ce cas 3 principes :
- Non-exclusion des équipements dû à l’ancienneté pourtant en état de marche mais considéré comme "has been".
- Une meilleure conception en supprimant l’obsolescence.
- La récupération des équipements dysfonctionnels par la réparation.
Le Cloud dans la sobriété numérique ?
Le Cloud et ses data centers sont parfois montrés du doigt, avec les 201 data centers en France en 2018 représentant 8% de la consommation électrique nationale, il apparaît, bien que grand consommateur, avoir également un impact positif en plus des grandes transformations que les géants du Cloud entreprennent.
Le Cloud, réduction de son impact
Alors que le géant du Cloud, pionnier dans le domaine, AWS, a atteint en 2018 50% de consommation d’énergie renouvelable, il continue son chemin pour respecter sa promesse d’une consommation à 100% d’énergie renouvelable. Le numéro 1 des Cloud Provider installe, par exemple, des parcs éoliens et solaires proches de ses data centers afin de les rendre autonomes.
Aussi, son concurrent Microsoft, avec Azure, développe des centres sous-marins dans les mers d’Ecosse pour refroidir naturellement les serveurs par les courants. Le Cloud provider souhaite de cette façon, minimiser l’utilisation de la climatisation qui représente jusqu’à 40% de la consommation énergétique d’un data center.
La chaleur émise par ces grands centres est également réutilisée en réchauffant les circuits d’eau.
Enfin, les architectes Cloud ont un rôle important à jouer dans la réduction de l’impact. Il arrive souvent que les infrastructures soient mal sizées et que la consommation d’une infrastructure soit particulièrement importante alors que les besoins sont en fait minimes. Le cloud répond déjà à une partie du problème avec les possibilités d’ajustement temps réel du besoin en infrastructure et ressources. La scalabilité horizontale à chaud permet de ne consommer que le strict nécessaire.
Le Cloud, créateur d’impact positif
Le Cloud peut également être créateur d’impact positif par sa puissance, son intelligence et son adaptabilité.
À titre d’exemple, alors que le domaine de la mobilité et de l’aviation est considéré comme un des plus grands consommateurs ayant un impact particulièrement négatif, la puissance et l’intelligence du Cloud permettent aujourd’hui de limiter et de calculer les meilleures trajectoires pour les avions et ainsi, de leur permettre de moins consommer. Cet exemple est valable pour le domaine aérien, mais il semble également pertinent que la puissance du Cloud puisse optimiser de nombreux autres domaines où la consommation est abondante.
Alors que les serveurs privés connaissent une consommation très importante, migrer son infrastructure locale sur le Cloud consiste à partager un espace de stockage. Cette solution réduirait de 87% la consommation d’énergie selon l’étude Lawrence Berkeley National Laboratory en collaboration avec la Northwestern University. Cependant, cette étude est sans compter sur l’effet Rebond.
L’effet rebond consiste à utiliser une technologie moins consommatrice que la précédente, mais qui sera utilisée davantage, compensant ce gain. Cet effet peut être contrebalancé et atténué de manière pérenne en adoptant l’innovation frugale, qui permet de répondre à un besoin de la manière la plus simple avec un minimum de moyen.
Enfin, la solution Cloud a vocation à dématérialiser les produits physiques, matériaux, ce qui diminue l’impact de la construction et de la suppression de ces équipements. La croissance dématérialisée porte le nom de cet effet, et le Cloud y participe grandement, mais cette tendance tend également à l’accroissement de l’utilisation du Cloud portant à gonfler sa consommation d’énergie chaque année.
La sobriété numérique, levier de croissance ?
La sobriété numérique doit être également vue comme un potentiel levier de croissance de l’entreprise et de rayonnement de celle-ci en interne, notamment par l’implication des collaborateurs. Bien que ce soit un investissement long terme, il semble difficile aujourd’hui de ne considérer que des impératifs court-termistes dictés par le rendement immédiat.
L’engagement des entreprises dans les débats de société ne fait que prendre davantage d’ampleur comme avantage concurrentiel, marketing, mais aussi économique et de diminution des coûts (comme l'utilisation de l'approche FinOps). Pascal Demurger, directeur de la MAIF, clame souvent le titre de son livre “L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus”.
Comme le suggère l’ADEME, qui déclare que l’éco-conception peut « permettre de diminuer les coûts de production (jusqu’à 20 % dans certains cas), mais surtout d’accroître systématiquement la valeur d’usage des produits, d’augmenter le chiffre d’affaires (de 7 % à 18 %), et de prendre de l’avance sur la concurrence ».
Cependant, il est difficile de quantifier réellement par des preuves irréfragables et des calculs exacts l’impact du numérique sur l’environnement et notre société. Il semble clair pour tous que les usages du numérique n’est pas neutre pour le monde qui nous entoure, mais cela suppose de vraies questions : Comment rythmer la transition numérique que nous vivons avec la transition environnementale nécessaire ?